La gastronomie éco-responsable par le Chef Thibaut Spiwack

Posté le : 15/03/2023

 

 





Titre de l'article

Nous avons rencontré le Chef fraîchement étoilé au Guide Michelin, Thibault Spiwack. Propriétaire du restaurant Anona, possédant l’étoile verte, gage d’une démarche culinaire éthique et engagée, il nous explique les enjeux d’une cuisine écoresponsable, et du futur de la gastronomie.

 

-       Peux-tu te présenter ? 

Je m’appelle Thibaut Spiwack et je suis Chef de cuisine et propriétaire du restaurant ANONA qui est situé aux Batignolles, dans Paris 17ᵉ. (N.D.L.R : le Chef a obtenu une étoile rouge entre le moment de l'interview et la parution de l'article). 

 

-       Est-ce pour toi une fierté d’avoir une étoile verte au Guide Michelin ?

C’est une fierté d’avoir une étoile verte, mais ce qui est surtout important pour moi, c’est d’avoir eu une récompense pour des engagements que j’avais et que je n’ai pas pris pour obtenir une étoile verte. Ça n’existait pas encore quand j’ai ouvert le restaurant et c’est toujours agréable d’être récompensé pour des choix et des convictions que l'on a.

 

-       Est-ce que ça peut être une pression ?

Ce n’est pas forcément une pression parce que l’étoile verte ne récompense pas une technicité ou une élaboration de plats, mais un esprit global de travail. On est donc récompensé pour un travail qu’on fait et on a encore amélioré cette mentalité au travail depuis que l’on a l'étoile verte. Ce n’est pas une pression tous les jours, c’est juste pour moi, un support qui permet d’aller de l’avant et qui sert aux autres d'exemple à suivre au quotidien.

 

-       Qu’est-ce qui te plaît le plus dans ton métier ?

Ce qui me plaît le plus dans mon métier ? Pas mal de choses en vrai, mais la raison pour laquelle j'ai commencé ce métier, c'est le plaisir de faire plaisir. Le fait de pouvoir juste en concoctant des plats, rendre des gens heureux, changer leur journée et leur apporter une expérience. Et aujourd'hui, c’est la transmission de plusieurs sujets qui me tient à coeur : parler de l'écologie avec mes employés, avec les clients et avec tous les gens qui tournent autour.

 

-       Peux-tu nous expliquer ce qu’est une cuisine éco-responsable ?

Pour moi, avoir une cuisine éco-responsable, c'est favoriser la partie visible de l'iceberg. Donc évidemment je fais du local, je fais saisonnier, je recycle mes déchets, ce genre de choses-là… Il y a aussi une partie qui est plus cachée, qu'on ne peut savoir que si l'on en discute. Par exemple l'énergie utilisée : est-ce qu'on utilise une énergie verte ? Et ce qu'on utilise du matériel à basse consommation ? Est-ce qu'on prend soin de ses employés ? Parce que l'éthique, ce n'est pas que l'écologie, c'est aussi l'humain. C’est donc toutes ces parties-là, misent bout à bout ainsi que toutes les transmissions qui vont autour, le fait d'apprendre et de transmettre ; qui font une vraie cuisine éco-responsable. 

 

-       Quels sont les moments déclencheurs qui t’ont poussé vers une cuisine plus éthique ?

Plusieurs moments ont participé à cette volonté d'avoir une cuisine très engagée. C'est souvent les grands restaurants, les grands palaces, les restaurants étoilés qui ont favorisé le gaspillage alimentaire pour obtenir de la qualité et de la régularité. L'élément déclencheur a également été ce règne de la terreur, avec la violence dans les cuisines que j'ai vraiment connu pendant une quinzaine d'années.

Quand j'ai donc souhaité ouvrir mon restaurant, j'ai voulu absolument partir à l'opposé de tous ces principes de travail, qui sont pour moi, préhistoriques. Je voulais vraiment créer un restaurant qui allait servir de vitrine pour montrer qu'on était capable de faire dans la gastronomie : une cuisine de qualité et une cuisine engagée, tout en respectant des principes de vie bien plus intelligents.

 

 -       Comment se passe le processus de création des cartes avec cette envie de créer des plats responsables ? Y’a-t-il une différence avec la création d’une carte « classique » ? 

C'est sûr que l'approche est forcément différente. Quand tu te dis, je suis en hiver, il me reste que des choux, des pommes de terre et des agrumes, mais que j'ai envie de mettre des fleurs, des tomates et de l'abricot… C’est difficile. Ça change forcément la conception de la carte. Mais je trouve qu'au niveau de la créativité, plus tu as de limites, plus tu es obligé de chercher en toi de nouvelles idées. 

Le fait de se dire : je veux travailler moins gras, moins beurré, moins sucré, moins salé, mais avec cette question récurrente : comment est-ce que je vais faire pour y apporter de la gourmandise ? Le fait que le client sorte de table en disant : « Il ne m’a rien manqué, c'était extraordinaire. C'était très végétal, j'ai eu un peu de poisson, si ça trouve, je n'ai même pas eu de viande. Mais malgré tout, je rentre chez moi sans aucun manque ». Tout ça, c'est une réflexion qui est différente au niveau de l'approche, mais qui développe une créativité beaucoup plus intéressante.

 

-       Comment vois-tu l’évolution de la cuisine française avec une prise de conscience actuelle de la société, soucieuse de la préservation de l’environnement ?

 Là, il y a plusieurs choses. Ce qui est intéressant c'est de se dire que, plus il y aura de restaurateurs qui vont travailler avec ces engagements, plus ça va attirer d'autres restaurateurs, plus ça va créer une clientèle variée. Au début, il y a quelques années, être écolo, c'était un parti politique, c'était limite marginale et aujourd'hui, c'est presque normal. On a tendance même à dire que c'est à la mode. Et du coup, il y aura de plus en plus de clients qui seront demandeurs de restaurants engagés. Les gens aujourd'hui utilisent les labels comme écotable ou l'étoile verte pour aller choisir leur restaurant, donc, cela créer donc un engrenage positif. De plus en plus, finalement, si on travaille sur des engagements écologiques, on a tendance à se diriger vers une cuisine plus végétale, ce qui est notre cas actuellement. On peut choisir de cuisiner des fruits et légumes, par exemple, au restaurant ANONA on a totalement supprimé la viande bovine ou les agneaux, et cela créer quelque chose de nouveau. Donc évidemment, la cuisine change, du coup, les attentes changent, et cela met en place une amélioration constante… Cela créé une démarche et un engrenage qui est assez impressionnant. Encore une fois, c'est l’idée que malgré tous ces changements-là, on ne cuisine jamais au détriment de la gourmandise, de la découverte et de l'aventure culinaire.

 

-       Penses-tu que le dérèglement climatique aura un impact sur la cuisine du futur ?

Le dérèglement climatique a déjà un impact sur la cuisine actuelle puisqu'on trouve des produits aujourd'hui sur le terroir francilien qu'on ne trouvait pas il y a quelques années. Aujourd'hui, les meilleures pastèques qu'on peut manger en France sont d'Ile-de-France et viennent de Seine-et-Marne. On en mange et lorsque l'on croque dedans, il n’y a pas ce côté : « je mange une pastèque et c'est plein d'eau ». Là, c'est vitaminé, sucré et hyper gourmand donc forcément, ça apporte de nouvelles saveurs. On arrive à récolter des aliments en France qu'on n'avait pas avant et on retrouve dans le nord de la France certains produits qu’on avait que dans le Sud. C'est presque un changement de saisons, car par exemple, les tomates arrivent plus tôt et finissent plus tard. A contrario, d'autres denrées sont récoltées sur des temps plus courts car avant les cèpes, il pouvait y en avoir sur un mois, maintenant, ça dure dix jours. Si tu travailles de façon saisonnière, évidemment ! Après, si tu t'en fiches, ça ne change pas grand-chose (rire)…

 

-       Comment vois-tu le futur de la gastronomie ?

Pour moi, la cuisine se dirige vers quelque chose de plus en plus sobre et une mise en avant du produit et du végétal. Finalement, on arrivera dans des restaurants où il y aura peut-être moins de chichis, moins de viande, on sera plus direct, mais tout en ayant une créativité plus grande. Avec les réseaux sociaux, on peut aussi facilement comparer et challenger son restaurant avec ceux des autres. On a une nécessité de, tout doit être beau, très graphique et enchanteur. C'est donc intéressant d'aller vers quelque chose de plus sobre, plus réfléchi et pourtant toujours aussi gourmand et aussi joli.

 

-       Un dernier message à faire passer ?

Pour les actualités, il suffit de suivre Thibaut Spiwack et le restaurant ANONA. 2023, va être une année où il y aura encore beaucoup de projets et de nouvelles idées et tout ça dans la joie et la bonne humeur ! Si vous souhaitez découvrir tout ce qu'on fait chez ANONA, je vous donne rendez-vous du lundi au vendredi au 80 Boulevard des Batignolles, Paris 17ème !

 
 
 





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